Pierre Caron de Beaumarchais

"Dès que Beaumarchais parut à Versailles, les femmes furent frappées de sa haute stature, de sa taille svelte et bien prise, de la régularité de ses traits, de son teint vif et animé, de son regard assuré, de cet air dominant qui semblait l'élever au-dessus de tout ce qui l'environnait et enfin de cette ardeur involontaire qui s'allumait en lui à leur aspect".

Gudin de la Brenellerie

1732 - 1799
"J'ai vécu deux cents ans"

Si le jeu des 7 familles avait existé à l'époque, on aurait pu demander dans la famille Beaumarchais "Voulez-vous l'horloger, le contrôleur de la maison du Roi, le professeur de musique, le lieutenant général des chasses, le banquier, l'armateur, l'auteur dramatique ?"
A toutes ces demandes une seule carte: celle de Pierre Caron de Beaumarchais...

Car l'auteur du "Barbier de Séville" ou du "Mariage de Figaro" est aussi l'inventeur à 20 ans d'un nouvel échappement pour les montres. Devenu horloger du roi, il fait des montres pour madame de Pompadour, madame Victoire, etc... et gagne le coeur de Mme Francquet épouse du Controleur de la Maison du roi, celle-ci convainc son mari de céder son emploi à Beaumarchais contre une rente viagère, un an plus tard Francquet étant décédé nos deux amoureux convolent en juste noce, il avait 23 ans, elle 34 ans.

Beaumarchais était musicien, il jouait de la flûte et de la harpe, instrument mis récemment à la mode, les filles de Louis XV le choisissent comme professeur, il organise des concerts et devient leur intime. Ce qui lui vaut des ennemis et un duel où il tue son adversaire.

Il joue de ses relations avec les filles du roi pour décider Louis XV à visiter l'Ecole Militaire fondée par le banquier Pâris-Duvernet, celui-ci reconnaissant lui donne des participations dans ses affaires, l'initie à la finance et lui prête de l'argent pour acquérir la Lieutenance générale des chasses, offie judiciaire qu'il remplit pendant 22 ans.

En participation avec Duvernet il exploite une partie de la forêt de Chinon qu'ils avaient achetée à l'état, mais à la mort de Duvernet, son petit-neveu le comte de la Blache attaque l'accord passé entre Duvernet et Beaumarchais avant la mort de son oncle. Il s'ensuit un premier procès que Beaumarchais gagne en première instance mais qu'il perd en appel. Ces malheurs ne s'arrêtèrent pas là, querelle avec le duc de Chaulmes, démélées avec la femme du conseiller Goëzman, etc... après un emprisonnement et une condamnation Beaumarchais est fêté dans tout Paris, et Louis XV admirant son énergie pense à lui confier des missions secrètes !

Il part ainsi à Londres, en 1774, récupérer un pamphlet contre Madame du Barry de Theveneau de Morande (le frère Theveneau de Francy, son futur secrétaire), il réussit à le récupérer et à le bruler, repart en Hollande, puis en Allemagne, mais là l'affaire tourne au vaudeville. Puis il s'entremet avec l'appui de Vergennes pour récupérer des papiers d'Etat détenus par le chevalier d'Eon !


Le 23 février 1775, il donne la première représentation du "Barbier de Séville", toutes ses démélées politiques et judiciaires avaient retardées la première. Ecrit en 1772 sous forme d'opéra comique puis transformé en comédie, présentée le jeudi la pièce est un échec, remaniée en 2 jours elle est un succès. Parallèlement il continuait à batailler contre La Blache, en juillet 1778 le Parlement de Provence déboute La Blache de toutes ces prétentions.

Il est alors envoyé à Londres pour renseigner le roi sur les affaires américianes, les colonies américaines venaient de se révolter et Beaumarchais est partisan de les aider. Il va se proposer pour créer une entreprise commerciale qui fournira des armes, des munitions et des objets d'équipement aux "Insurgent", c'est ainsi qu'il devient armateur et crée la Société Roderigue, Hortalez et Cie avec l'aide officieuse des gouvernements français et espagnol qui lui prêtent chacun 1 million et l'aide de quelques associés dont Montieu.

EUGENIE - Acte V, scène II - 1767 - gravure de Staal.
C'est un nouveau roman qui s'écrit. Aussitôt après la proclamation de l'Indépendance, le Congrès américain envoie en France, en juillet 1776, un réprésentant officieux Silas Deane avec une lettre de Franklin. Vergennes préfère confier à Beaumarchais la tâche d'aider officieusement les américains plutôt qu'à Dubourg l'ami de Benjamin Franklin. Par la suite ce choix pèsera lourd dans les rapports de Beaumarchais avec le Congrès, B. Franklin appellait Beaumarchais "Monsieur Figaro" et Beaumarchais dans sa lettre du 20 décembre 1778 se plaignait de "l'éloignement désobligeant marqué pour sa personne" par Franklin. Le 24 juillet 1776 Dean écrit une lettre confirmant les conditions de règlement de cette aide et le remerciant.

Durant l'automne 1776 Beaumarchais affréte 10 navires. Le 14 décembre 1776 "L'Amphitrite" quitte le port du Havre emmenant Tronson du Coudray, ses hommes et de l'armement, c'est le seul bateau qui réussit à partir. Car l'ambassadeur d'Angleterre veillait ! Ce n'est pas le nom de Durand dont s'était affublé Beaumarchais qui pouvait le tromper, ni la Sté Rodrigue Hortalez... pas plus que les changements de noms des bateaux ou les fausses destinations... Les autres bateaux prêts à partir doivent être déchargés en publique ! pour donner satisfaction à Lord Stormont, nous n'étions pas en guerre avec l'Angleterre. En 1777 il réussira à faire partir plusieurs bateaux de Dunkerque, Nantes et Bordeaux. Au cours des années qui suivront de nombreux navires seront envoyés vers l'Amérique.

C'est en 1777 qu'il rachète à la Marine Royale "L'Hippopotame" navire de guerre déclassé qu'il va restaurer pour devenir "Le Fier Rodrigue", (voir la page "La Flotte").

Si les navires atteignent les Etats-Unis avec leur chargmemnt, ils n'arrivent pas à revenir avec les marchandises prévues pour le règlement, et quand il y en a elles sont l'objet de litiges avec la délégation américaine à Paris dirigée par B. Franklin, viennent s'ajouter les réclamations du Congrès sur la qualité de l'armement fourni, le tout alimenté par les querelles entre délégués américains. Toutes ces années ne furent pas de tout repos, naufrages, prises par les anglais, la réquisition par le roi du Fier Rodrigue qui devait protéger la flotille complique encore la situation, ! En 1784 Beaumarchais est condamné à payer les affréteurs et les assureurs pour le motif que "la flotille devait avoir un convoyeur et en avaitt été privée au milieu de sa course" ! heureusement le 19 janvier 1784 Beaumarchais obtient une indemnité de 570.627 Livres.

Le Congrès américain s'est révélé mauvais joueur, pour expliquer ses mauvais règlements, il a prétexté qu'il n'avait pas bien saisi le rôle de Beaumarchais et qu'il était persuadé au début avoir affaire directement au gouvernement. Malgré les interventions du gouvernement français, ce n'est que 36 ans plus tard, à l'occasion d'une indemnité que la France devait aux USA, que Louis-Philippe put déduire la somme de 800.000 francs au profit des descendants de Beaumarchais.

On peut dire que le rôle de Beaumarchais entre 1776 et 1783 a été déterminant dans l'accesion à l'indépendance des Etats-Unis.


Source:

"Oeuvres complètes de BEAUMARCHAIS", par Louis MOLAND, Editions Garnier frères, Paris, 1874.


Retour à la biographie de

Jean PELTIER-DUDOYER